En 1950, de Staël, qui affirmait avec ferveur que « [n]ous sommes continuellement influencés et pénétrés par la nature », fut profondément marqué par la douce lumière de Londres ainsi que par le ciel grand ouvert au-dessus de la campagne anglaise. Ce choc visuel, associé à sa visite aux Pays-Bas l'année précédente, a encore provoqué son désir d'une relation plus étroite entre la nature et les rythmes de couleur et de forme, un dialogue qui se retrouve dans deux œuvres contrastées de la collection, Nocturne et Le Parc. de Sceaux. « En partant de sa propre expérience et à travers l’acte même de créer le tableau, écrit le critique Roger van Gindertaël, de Staël s’efforce d’abolir la distinction entre les phénomènes naturels qui ont inspiré sa création et l’œuvre achevée elle-même. »
Dans Nocturne, les formes de Staël, rendues dans de grands aplats de couleurs aux harmonies et contrastes subtils, évoquent une ambiance de quiétude. Comme l’a observé Eliza Rathbone, de Staël recherchait souvent « la forme comme évocation d’une ambiance ou d’un paysage ». Ou comme de Staël le racontait à son ami le poète Pierre Lécuire : « On ne peint jamais ce qu'on voit ou croit voir ; vous peignez avec mille vibrations le coup qui vous a frappé… »
La composition, bien que très abstraite, résonne comme une suggestion des derniers vestiges d'un coucher de soleil : une sphère vert foncé en vol stationnaire s'associe à une couche horizontale d'oranges vives émergeant d'une obscurité bleu-noir et violette profonde. L'étude à la gouache de l'œuvre de Phillips, également intitulée Nocturne, ne reflète que des variations de teintes, la forme semblable au soleil étant représentée en jaune doré. Les marques du couteau à palette de Staël, qu’il a commencé à utiliser presque exclusivement à partir de 1949, sont ici évidentes. Les grattages épais et larges réalisés par le tranchant du couteau créent de lourdes incrustations d'empâtement ; ils sont particulièrement visibles dans les trois niveaux d’orange qui constituent le point central de l’image.
